La déforestation ne date pas d’aujourd’hui : depuis des millénaires les hommes défrichent les forêts pour satisfaire leurs besoins. Au 16ème siècle, Pierre de Ronsard écrit cette élégie « Contre les bûcherons de la forêt de Gastine » pour déplorer la destruction de la forêt de Gastine, vouée à être remplacée par des champs par Henri de Bourbon, futur Henri IV.
Ronsard exprime alors son indignation et sa douleur devant le massacre de cette forêt qu’il avait célébrée dans ses premières Odes.
Ci-dessous et dans la page « Dioramas » de mon site, vous pourrez voir trois tableaux réalisés sur ce thème. Evocation de la forêt et des divinités chassées de leur antique demeure.

Extrait des Elégies, XXIV
« Contre les bûcherons de la forêt de Gastine »
« Ecoute bûcheron, arrête un peu le bras
Ce ne sont pas des forêts que tu jettes à bas
Ne vois-tu pas le sang lequel dégoutte à force
Des nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ?
Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts et de détresses
Mérites-tu, méchant, pour tuer nos déesses ?

Forêt, haute maison des oiseaux bocagers !
Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers
Ne paîtront sous ton ombre et ta verte crinière
Plus du soleil d’été ne rompra la lumière.
Plus l’amoureux pasteur sur un tronc adossé,
Enflant son flageolet à quatre trous percé,
Son mâtin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l’ardeur de sa belle Jannette.

Tout deviendra muet, Echo sera sans voix
Tu deviendras campagne, et, en lieu de tes bois,
Dont l’ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue
Tu perdras le silence, et haletants d’effroi
Ni Satyres ni Pans ne viendront plus chez toi…
Adieu, vieille forêt, le jouet de Zéphyre,
Où premier j’accordais les langues de ma lyre,
Où premier j’entendis les flèches résonner,
D’Apollon, qui me vint tout le coeur étonner,
Où premier, admirant ma belle Calliope,
Je devins amoureux de sa neuvaine trope,
Quand sa main sur le front cent roses me jeta
Et de son propre lait Euterpe m’allaita.

Adieu vieille forêt, adieu têtes sacrées
De tableaux et de fleurs autrefois honorées.
Maintenant le dédain des passants altérés,
Qui brûlés en l’été des rayons éthérés,
Sans plus trouver le frais de tes douces verdures,
Accusent tes meurtriers et leur disent injures…

Adieu chênes, couronne aux vaillants citoyens
Arbres de Jupiter, germes dodonéens,
Qui premiers aux humains donnâtes à repaître
Peuples vraiment ingrats, qui n’ont su reconnaître
Les biens reçus de vous, peuples vraiment grossiers
De massacrer ainsi leurs pères nourriciers !
Que l’homme est malheureux qui au monde se fie !

Ô dieux que véritable est la philosophie,
Qui dit que toute chose à la fin périra,
Et qu’en changeant de forme une autre vêtira !
De Tempé la vallée un jour sera montagne,
Et la cime d’Athos une large campagne
Neptune quelques fois de blé sera couvert :
La matière demeure et la forme se perd. »
